« Tout projet (à quelques exceptions près, que la théorie architecturale a su brillamment discerner) répond à un usage. Mais cet usage n’est pas nécessairement créatif, ou plus exactement, il n’engendre pas mécaniquement, dans le processus de conception de l’œuvre, une heuristique susceptible de l’enrichir de manière productive. De nombreux projets subissent passivement l’usage. Ils prennent en compte, avec conscience, le programme qui leur est imposé, laissant se déployer dans l’espace, sans rien leur opposer, les demandes préalables.
Cette attitude conciliatrice n’est pas celle adoptée par Doonam Back et Yann Caclin. Et pourtant, comme le revendiquent ces jeunes architectes, il existe une continuité absolue entre la demande initiale et l’édifice réalisé... "Un projet, déclarent-ils, naît toujours d’un besoin, il répond à une utilité ordinaire" et les réponses qui en découlent restent intimement liées, d’un bout à l’autre du processus, à ce besoin premier qui offre un fil conducteur à leur approche. Car l’usage ne se réduit pas, dans leur univers, à la destination de l’édifice. Il constitue un garde-fou contre le formalisme. L’usage revêt l’épaisseur du quotidien. Il est traité comme une matière, au même titre que l’environnement physique du projet ou les matériaux de construction et implique, en écho, un travail rigoureux sur la forme. Ce travail puise dans un magma complexe d’informations et d’expériences, de voyages proches et lointains, d’accumulations… Mais la mise en forme du projet aspire à la simplicité afin de préserver les pratiques de tout encombrement symbolique et leur offrir un écrin digne et fluide.
Deux pôles virtuels émergent ainsi dans la démarche de l’agence, l’un centré sur le concret du lieu et des personnes, l’autre, diffus, ouvert sur la question climatique et sur la perception, de l’Asie aux États-Unis, d’une culture universelle en fusion. "Nos voyages, expliquent Doonam Back et Yann Caclin, transforment notre regard sur les choses". Comme le montre la cohérence de leurs réalisations (gymnase à Neuves-Maisons / aménagement de combles industriels à Maxéville / extension d’une salle polyvalente à Vagney / passerelle du Haut Fourneau U4 à Uckange…), leur pratique, infiniment subtile, porte en germe une solide théorie du projet qui ne demande qu’à éclore… »
Joseph Abram, commissaire, enseignant-chercheur (LHAC).