Éditorial
Architecture et arts plastiques - Traditionnellement liés en France au sein de l’ancienne École des beaux-arts(1),
l’architecture et les arts plastiques ont suivi des chemins parallèles depuis les années 1970, ce qu’illustrent la séparation des établissements d’enseignement de l’architecture après 1968 et l’aller-retour de la direction de l’Architecture entre ministères de la Culture et de l’Équipement.La création d’écoles d’architecture spécifiques répondait à la critique de l’enseignement académique de l’ancienne école, plus préoccupé de produire de belles images2 pour les palais de la République et la clientèle aisée que de repenser les lieux de vie de la société du XXe siècle. La question du logement social était ainsi ignorée, hors programme, dans sa forme collective aussi bien qu’individuelle. Dans un monde en pleine mutation, les nouvelles écoles d’architecture voulurent développer les dimensions technique et sociale, donc aussi économique, de cette discipline artistique. Quelques décennies et réformes des études et du diplôme plus tard3, elles peinent à trouver leur place dans un paysage de l’enseignement où elles sont moins reconnues que les universités, celles-ci l’étant moins que les grandes écoles. Dans d’autres pays, l’enseignement de l’architecture est dispensé à l’université, notamment dans des instituts technologiques, aux côtés des écoles d’ingénieurs. Longtemps partie intégrante de l’architecture sous la forme du décor aussi bien extérieur (gros œuvre et second œuvre) qu’intérieur, les arts plastiques en ont été dissociés par une interprétation intégriste du texte manifeste de Loos “Ornement et crime” (1908), l’édictant en interdit de l’architecture moderne : “ornement est crime”. Pour ne donner qu’un exemple, les ferronneries des garde-corps ou des rampes d’escalier se sont ainsi réduites à des barreaux (de prison, de chaise...), et toute inspiration les a quittées, alors que ces éléments de second uvre avaient donné lieu à des créations aussi fantaisistes dans l’esprit que réalistes par leur mode de production en série4. De même, la sculpture n’a plus eu droit de cité dans l’architecture que comme pièce rapportée a posteriori, souvent grâce à la procédure du 1% artistique. Exclue du champ de l’architecture et de la ville dont elle avait fait les beaux jours en d’autres temps (y compris comme élément intégré à la statique telles les statues du pont Alexandre III à Paris qui, outre qu’elles apportent un brin de folie, sont d’utiles contrepoids), elle entreprend de reprendre du terrain sous la bannière de l’art urbain. Même si les projets des artistes restent souvent disjoints de leur contexte architectural, jouant plus volontiers de la provocation - sur le mode adopté depuis longtemps par la publicité - que du tissage, certains créateurs travaillent dans ce sens, comme Janet Cardiff et Georges Bures Miller5 qui ont entraîné les visiteurs du Kunsthaus de Bregenz à travers le miroir des réalités.
Gwenaël Querrien
1 - L’Académie royale des beaux-arts est créée dès 1648 et l’École des beaux-arts en 1816.
2 - Grandes compositions, souvent symétriques, valorisées par d’habiles “rendus” séducteurs.
3 - Cf. l’histoire du diplôme, en 4 épisodes, par Marie-Jeanne Dumont dans la revue D’A.
4 - Cf. François Chaslin, "Les Fontes ornées", suppl. Bulletin d’inf. architecturales n° 45 (1979).
5 - Lire “À Bregenz, art contemporain et architecture”, § Actualité.