Éditorial et sommaire
Difficile d’ignorer la fièvre qui agite le petit monde des architectes. Une pétition(1), qui a recueilli environ 140 signatures mais aussi suscité de nombreuses réactions, circule à propos du Prix de l’Équerre d’argent 2007, organisé par Le Moniteur.
Tout est parti d’un commentaire de L’Express (23/10) autour de propos tenus lors de l’annonce des prix et repris dans un article du Monde (8/11). Ils tendraient, selon les architectes pétitionnaires2 réunis sous la bannière de la “french touch”, à réduire “la création architecturale à une opposition entre gesticulation’3 et architecture du quotidien’”, ce qui, disent-ils, “pose le problème de notre représentation et de la crédibilité de notre activité au regard d’une architecture qui s’évalue par-delà nos frontières”. D’où le refus de “l’utilisation de l’image de nos bâtiments dans l’annuel AMC 2007”...
Au moment où les architectes cherchent à travailler à l’international, on comprend que, plus que d’une affaire théorique ou sémantique, c’est d’image et de commande qu’il s’agit, les Prix aidant la renommée. Au-delà des querelles à propos du projet lauréat - que nous irons visiter afin d’en parler -, la question de la commande justifie l’intérêt du milieu. On peut dire sans exagérer que l’“effet Bilbao”, né du pari réussi du succès d’une ville, jusque-là obscure, lié à un projet d’architecture signé Frank Gehry, exceptionnel par sa plastique décoiffante mais aussi par son programme et son montage financier, conduit à des comportements absurdes. De nombreux édiles espèrent reproduire le phénomène au profit de leur ville, coûte que coûte. Toute commande publique d’importance, mais aussi certaines commandes privées, deviennent l’occasion d’une demande implicite aux architectes de stupéfier par la forme, par la “peau” et/ou par la couleur. Plus que la forme elle-même, la nouveauté est en réalité que l’architecture est devenue un média de communication, sa signification passant ainsi du temps long de la culture à l’immédiateté de l’événement. On trouve en effet de nombreux exemples d’architecture-sculpture dans l’histoire, des cathédrales gothiques à la maison d’André Bloc en passant par Gaudi ou Rudolf Steiner. Le problème est que, comme le savent tous les architectes, la complexité formelle a un coût, si bien que faire de l’architecture-sculpture requiert, outre un réel talent artistique (critère subjectif), un solide savoir constructif afin de concevoir le projet sans réduire l’architecture à un habillage, et une compétence en matière d’économie du projet qui permette d’opérer les choix indispensables en fonction du budget et des priorités.
Sur ce dernier point, on peut s’étonner de voir certains jurys de concours choisir des projets aussi éblouissants que compliqués dont on sait d’avance qu’ils vont exploser le budget ou qu’ils ne se feront pas en l’état. Ce qui peut être pertinent pour un émir du Koweit l’est rarement pour répondre aux programmes des princes de la République, ni même à la plupart des programmes privés. Au-delà, penser que l’architecture digne de ce nom n’est pas réservée aux monuments, mais doit être partout, est une position ambitieuse, que ne renierait sans doute aucun architecte. Après une période d’engouement pour le minimalisme helvète, on voit désormais se multiplier les fils de Gehry, Hadid, Coop Himmelb(l)au... pour le meilleur et pour le pire. Même les Suisses se laissent tenter (Herzog & de Meuron pour Vitra). Fille de la société du spectacle, la société de la communication bat son plein.
Gwenaël Querrien
1 - Cf. Pétition et réactions sur lexpress.fr, Archicool.com, CyberArchi.com, Le Moniteur Expert.
2 - La plupart ont été primés par un ou plus des trois piliers de la promotion architecturale : les ministères de la Culture-Dapa (Grand Prix, Naja) et de l’Équipement-Puca (Europan), le groupe Moniteur (Équerre d’argent, Première œuvre).
3 - Frédéric Lenne, du Moniteur, n’a pas employé ce terme et réfute avoir une position manichéenne. Il rappelle que le jury, dont la qualité n’est pas contestée et au sein duquel Le Moniteur est minoritaire, est souverain. Cf. lexpress.fr du 12/11.
Au sommaire
"La Fonderie à Mulhouse", par Gwenaël Querrien
La Fonderie, 16 rue de la Fonderie, Mulhouse (Haut-Rhin). Maître d’ouvrage : SERM (Société d’économie mixte de la région mulhousienne). Maître d’œuvre : Ferdinand Mongiello & Christian Plisson, architecte mandataire (Colmar) ; Émergence Architecture (Philippe Laine) architecte (Mulhouse). Concours de maîtrise d’œuvre : 2001. Programme : Faculté des sciences économiques, sociales et juridiques (FSESJ) ; Pôle documentaire : le Centre rhénan d’archives et de recherches économiques (CERARE) et la bibliothèque de l’université et de la Société industrielle de Mulhouse (BUSIM) ; la cafétéria du CLOUS ; le Centre d’art contemporain et les ateliers pédagogiques associés ; les Archives municipales ; l’extension de la Maison du quartier de la Fonderie.
"Le Plessis-Robinson : l’îlot Joliot-Curie", par Anne Demerlé-Got
Aménagement paysager du groupe scolaire Joliot-Curie, 1 allée du Docteur Lamaze, Le Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine). Maîtrise d’ouvrage : Ville du Plessis-Robinson, SEM 92. Maîtrise d’œuvre : agence Arpentère paysagistes ; Jean-Michel Buron architecte. Concours 1999, livraison 2004.
"Parkings souterrains lyonnais : art et architecture", par Gabriel Ehret
"L’Île de Nantes : un laboratoire urbain", par Carlotta Darò
Aménagement de l'Île de Nantes à Nantes (44), selon le Plan Guide conçu par l'Atelier de l'Île de Nantes (Alexandre Chemetoff arch.).
"'États de siège'. Cycle de films à la Cité", par Rémi Guinard
“États de siège”, série de films de fiction présentée du 7 au 16/12/2007 dans le cadre de l’exposition “Vauban”, à l’auditorium de la Cité de l’architecture et du patrimoine. Cf. rubrique Audiovisuel.
"Jaipur", par Serge Santelli
Alain Borie, Françoise Cataláa et Rémi Papillault, Jaipur. Ville nouvelle du XVIIIe siècle au Rajasthan, Paris, éd. Thalia, 2007, 279 p., 39 €.
"La place publique urbaine", par Pierre Pinon
La Place publique urbaine du Moyen Âge à nos jours. Études réunies par Laurence Baudoux-Rousseau, Youri Carbonnier et Philippe Bragard, Arras, Artois Presses Université, coll. Histoire ; Publications d’archéologie et d’histoire de l’art de l’université catholique de Louvain, vol. CII, 2007, 371 p., 25 €.
"Mirei Shigemori. Rebel in the garden", par Ann Caroll Werquin
Christian Tschumi, Mirei Shigemori. Rebel in the Garden. Modern Japanese Landscape Architecture, Bâle, Birkhäuser, 2007, 203 p., 64,09 €.
"Paysages de Saône-et-Loire", par Anne Demerlé-Got
Jacques Garnier, CAUE 71 (dir.), Paysages de Saône-et-Loire, Semur-en-Auxois, Spiralinthe, 2007, 288 p., 40 €.