Le Japon s’impose de nouveau dans la course au prix Pritzker. Succédant au Britannique David Chipperfield, Riken Yamamoto, 78 ans, basé à Yokohama, en est le lauréat 2024. Il est le neuvième Japonais à recevoir cette prestigieuse distinction depuis sa création par la fondation Hyatt en 1979. Kenzo Tange avait ouvert la série en 1987, suivi par Fumihiko Maki (1993), Tadao Ando (1995), l’agence SANAA (2010), Toyo Ito (2013), Shigeru Ban (2014) et Arata Isozaki (2019). Yamamoto, qui a ouvert son agence en 1973, est un architecte qui n’appartient pas au starsystem mais dont le travail est bien repéré. Il avait notamment fait l’objet d’une exposition à l’Ifa en 1999. “Riken Yamamoto, guerrier de la paix”, avait alors titré Le Monde sous la plume de Frédéric Edelmann, qui avait relevé que l’architecte était né en Chine.
La liberté d’usage est au cœur de la réflexion de Yamamoto. Le jury du Pritzker, présidé par Alejandro Aravena, a souligné que son architecture se distingue par “la structure modulaire et la simplicité de la forme” et sa faculté à “permettre aux gens de façonner leur propre vie dans les bâtiments”.
Pour Yamamoto “reconnaître l’espace, c’est reconnaître la communauté entière”. Son ensemble de 110 logements sociaux à Kumamoto (1991) est emblématique de cette démarche. Celle-ci prend une dimension particulière dans ses équipements publics, telle l’université dédiée à la santé réalisée pour la préfecture de Saitama (1999). Pensée comme une communauté,elle se déploie en réseau avec neuf bâtiments reliés par un jeu de terrasses. “En gommant soigneusement la limite entre le public et le privé, Yamamoto contribue positivement, au-delà du programme, à permettre à la communauté d’exister”, a précisé Aravena. “La normalité devient extraordinaire. Le calme mène à la splendeur.”
Moins médiatisée que celle de Zaha Hadid sur le campus Vitra, la caserne de pompiers de Yamamoto à Hiroshima (2000) se distingue par sa transparence qui laisse voir en permanence l’activité des soldats du feu. Et lorsque l’architecte étudie les plans de l’école élémentaire Koyasu à Yokohama en 2018, il veille à créer des terrasses qui prolongent les salles de classe dans une grande grille verticale.
En Chine, il a réalisé plusieurs projets importants, dont un programme SOHO, combinant habitat et travail, à Pékin en 2004, ainsi que la bibliothèque de Tianjin en 2012, taillée pour cinq millions d’ouvrages. En Europe, l’architecte japonais a signé un seul projet, à Zurich, près de l’aéroport. Intitulé The Circle, il s’agit d’un ensemble mixte aux façades inclinées (2020). Après le tsunami qui a dévasté le Japon en 2011, il avait fondé le Local Area Republic Labo, un institut pour soutenir la population par l’architecture, puis créé un prix pour les jeunes architectes travaillant en ce sens. Au service du social.